La Résistance, une affaire d’hommes ? , Laurent Douzou
En apparence, la scène est banale. Deux frères, Alexis et Louis
Grave, agriculteurs à Yronde, reçoivent Marcel Ophuls et son équipe
de tournage. Installés dans la salle à manger de leur ferme, une
bouteille de vin rouge et des verres à portée de main, ils répondent
aux questions du cinéaste qui excelle à exprimer la vérité
de ses interlocuteurs par le truchement de sa caméra. L'enquêteur
est manifestement conquis par « ces vieux paysans si tranquillement
humains, héroïques et terre-à-terre, qui disent que leurs
exploits dans la Résistance ont nui à leur réputation[1]».
L'entretien a pour thème la Résistance, singulièrement
celle des deux frères. Il se déroule vingt-cinq ans après
la Libération dans une ambiance bon enfant et prend même les allures
d'une conversation à bâtons rompus que seule bride une pudeur à
fleur de peau. Les autres personnes présentes autour de la table - un
journaliste de La Montagne auquel se sont joints deux voisins arrivés
inopinément en cours de tournage - égrènent également
leurs souvenirs. La séquence qui s'insère dans la deuxième
partie du Chagrin et la pitié[2]
est laconiquement sous-titrée : « Une soirée
chez les Grave, avril 1969 ». Mais les spectateurs du film ne peuvent
être dupes, non plus que les exégètes savants : « le
véritable héros du film (avec Mendès) », c'est
« le merveilleux vieux Grave[3]
».
à
y regarder de plus près cependant, cette courte séquence vaut
autrement que par le récit qui lui sert de fil conducteur. Elle dit aussi
beaucoup simultanément sur la place des femmes dans la Résistance
vue d'en bas en même temps qu'au sein du foyer familial un quart de siècle
plus tard.
Cette
observation n'a évidemment pas échappé à l'œil
sagace du réalisateur qui, dans la version écrite de son film,
note :
« La femme d'Alexis et sa bru écoutent les propos de leurs
hommes, sans jamais franchir la frontière invisible entre la salle
commune et la cuisine. Au bout d'un certain temps, Madame Grave s'est même
installée sur une chaise, dans l'encadrement de la porte entre les
deux pièces. C'est une femme dont la très grande autorité
ne semble guère dépendre de sa position géographique.
Pour l'instant, elle laisse le devant de la scène aux mâles de
l'espèce[4]
».
Et, un peu plus loin : « Pour la première fois, de l'encadrement
de la porte, la femme d'Alexis intervient directement dans le débat[5] ».
Ces
notations doivent être complétées et leur signification
si possible décryptée. La femme d'Alexis Grave apparaît
d'abord dans le champ de la caméra en arrière-plan alors qu'elle
se tient debout, l'épaule contre l'encadrement de la porte. Elle est
toute ouïe. Également debout, sa bru fait du crochet. Du seuil de
la porte, Madame Alexis Grave intervient dans la conversation des hommes attablés.
Elle dit son mot en somme, tout en restant à sa place aux sens métaphorique
et littéral du terme. Elle prend encore la parole un peu plus tard, à
deux reprises. Cette fois, elle est assise sur une chaise, toujours sur le seuil
de la porte. Elle ne vient au premier plan que pour verser à boire aux
hommes sans que la conversation s'interrompe. Elle est à l'évidence
plus qu'attentive à ce qui se dit pendant qu'elle s'acquitte de cette
tâche qui entre dans ses attributions de maîtresse de maison.
Cette scène de la vie ordinaire où la localisation de chaque membre
de la famille dans la topographie du foyer est saisie sur le vif comporte un
premier enseignement évident quoique trompeur : la femme est cantonnée
dans un rôle apparemment subalterne, qu'elle reste debout ou qu'elle soit
assise à l'écart. Mais les interventions répétées
et pleines d'autorité de Madame Grave - elle n'hésite
pas à couper la parole aux hommes et couvre sans peine leurs voix -
invitent à aller au-delà du constat d'une différenciation
des tâches et des rôles dans la sphère de l'intimité
domestique en fonction des sexes. Cela n'est certes pas faux, ni inintéressant
mais ne suffit pas. En réalité, les plans qu'on vient de décrire
témoignent à leur façon de la place et de la fonction des
femmes dans la Résistance, une place et une fonction qui doivent beaucoup
à la singularité de leur situation. Car il faut reprendre et affiner
la description de Marcel Ophuls. Madame Grave n'est pas « dans l'encadrement
de la porte entre les deux pièces ». Elle est très
exactement sur « le seuil de la porte[6] ». Elle est ainsi en position
d'écouter ce qui se dit dans la salle à manger tout en surveillant
ce qui se passe en-dehors. Ainsi, quand les deux voisins arrivent, les frères
Grave ne se lèvent pas de table. C'est Madame Grave qui accueille les
visiteurs et leur explique apparemment de quoi il retourne. Mais c'est un des
frères Grave qui les convie d'un geste à se joindre à la
tablée. De même bénéficiant de sa position de recul,
elle reprend en les formulant plus clairement les propos des hommes quand ils
ne lui semblent pas exactement correspondre à leurs idées.
Cette
position solide et stratégique « au seuil de la porte « n'est
pas accidentelle. Dans la réalité résistante tout comme
dans celle des acteurs de la Résistance devenus témoins - les
deux réalités ne sont pas de même nature - la
femme est souvent, sinon toujours, au seuil de la porte. Loin de la reléguer
dans la situation d'une simple servante, ce poste d'observation privilégié
lui offre la possibilité de surveiller son monde, de jauger la prestation
des hommes. D'où ses interventions incisives sur lesquelles les hommes
rebondissent parce qu'ils sont conscients de l'acuité du regard que la
femme pose sur le déroulement de l'entretien. Madame Grave a pleinement
droit à la parole et elle exerce ce droit avec discernement sans jamais
quitter l'endroit où les usages la placent.
Passons
sur les enseignements qu'on pourrait tirer de ce repérage des lieux d'occupation
de la maison différenciés selon les sexes dans une campagne française
à la fin des années 1960. Il illustre probablement avec une clarté
et une lisibilité peu communes une répartition des rôles
et surtout un mode d'interprétation de ces rôles qui n'étaient
probablement pas l'exclusivité des campagnes d'Auvergne. Et après
ce détour qui n'en était pas vraiment un, tant l'examen de la
place des femmes au cœur des années noires est indissociable de
leur statut social et affectif, venons-en à la Résistance.
Pour y appréhender la fonction alors dévolue aux femmes, il faut
se remémorer ce qu'étaient l'attitude et l'état d'esprit
dominants, en 1940 et 1941 au moins. Une formule de Jean Cassou, très
souvent citée, les caractérise à merveille : « Chacun
était rentré chez soi [...] »[7].
Si cette formulation a aussi vivement impressionné des générations
d'historiens, c'est parce qu'elle décrivait en réalité
un double mouvement : retour chez soi et repli sur soi. Dans un environnement
menaçant et privé des points de repères de la vie du temps
de paix, dans cette sorte de nuit qui définit l'Occupation, dans un univers
étroit borné par des barrières administratives et policières
omniprésentes, le foyer fait office de cocon au sein d'un monde clos
et étouffant, un monde fini dans la double acception du terme. La Résistance
considérée à partir de la base, celle qui ne se définit
par aucune visée d'ordre stratégique mais se marque par le sursaut
puis par l'action au jour le jour d'individus[8],
consiste d'abord et avant tout à forcer la porte de ce monde clos, à
permettre à une mince raie de lumière de faire irruption dans
une obscurité désespérante. C'est souvent dans le giron
familial qu'au début cette opération de reconquête s'opère
à tâtons, sans certitudes[9].
Et, pour préserver cette possibilité, les femmes veillent sur
le pas de leur porte, habiles à beaucoup dire sans rien révéler
du cheminement des pensées et de l'éclosion d'une activité
résistante. La Résistance, celle à qui il n'échoit
pas de décider du cap à tenir et qui agit jour après jour,
se fait aussi et peut-être d'abord sur le seuil de la porte et du seuil
de la porte.
C'est
en cela que la veillée chez les frères Grave est exemplaire. Il
n'est sans doute pas un historien de la clandestinité en quête
de sources orales qui n'ait fait l'expérience de prime abord déroutante
- et parfois irritante - de cette distribution des rôles.
Le plus frappant est de constater que le phénomène joue avec des
variantes à tous les échelons de la Résistance. Reçu
à déjeuner chez un responsable éminent de la Résistance,
j'ai vu avec stupéfaction un repas entier se passer sans que son épouse,
dont je n'ignorais pas qu'elle avait été elle-même une résistante
de premier ordre, intervienne jamais dans la discussion dès lors qu'elle
avait trait à la clandestinité. Rien pourtant de ce qui était
évoqué ne lui était étranger mais mes timides tentatives
pour qu'elle livre son témoignage ou ses impressions restèrent
vaines. Insister eût été incongru et même inconvenant.
L'historien et le témoin fixent ensemble, par accord tacite le plus souvent,
les règles de ce jeu singulier et complexe qui les met face à
face. Or, au nombre de ces principes, il en est un qu'on ne peut transgresser :
parmi les privilèges du témoin, il y a celui de garder le silence.
L'historien ne peut qu'en prendre acte et tenter de l'interpréter. Les
hypothèses explicatives à un silence à première
vue déconcertant ne manquent pas. Si le désintérêt
pour la Résistance est à exclure, si la pudeur ne peut être
écartée, le premier rôle laissé tout entier au mari
peut également tenir à une forme de prise en compte dénuée
d'acrimonie de la façon dont s'est façonnée la mémoire
résistante : puisque la mémoire collective, en bonne partie
fondée sur la collecte des témoignages oraux, a privilégié
la partition jouée par son mari, pourquoi son épouse irait-elle
à l'encontre de cette donnée ? Cette conjecture est d'autant
plus plausible que, dans leur for intérieur, le mari et la femme savent
tous deux que leur action a été indissociable et complémentaire.
Si l'on retient cette hypothèse, on ne peut manquer de relever un paradoxe :
la collecte des sources orales tend à distinguer les hommes et cette
donnée initiale détermine ultérieurement par un effet en
boule de neige l'effacement de plus en plus accentué des femmes qui - inclination ?
tempérament ? - s'en accommodent apparemment assez volontiers.
La plupart du temps, un entretien sollicité auprès d'un résistant
se déroule sur le mode du duo. L'endroit a été choisi et
les places disposées en fonction d'un dialogue entre l'historien et le
témoin masculin. L'épouse est pourtant présente à
sa manière. Ce qui revient à dire qu'elle est toujours à
portée de voix sans qu'aucune place lui ait été assignée
dans cette espèce de cérémonial qui préside à
la collecte d'un témoignage. De sa place périphérique,
changeante souvent, elle précise quand le besoin s'en fait sentir un
point de chronologie, en s'appuyant sur des points de repères qui lui
sont propres : un accouchement, un mois d'hiver particulièrement
rigoureux, des difficultés accrues de ravitaillement, l'incident de parcours
scolaire ou la maladie d'un enfant. Elle souffle aussi le cas échéant
un nom qui se dérobe obstinément à son mari. Il arrive
enfin parfois qu'elle se joigne au duo initial. Mais c'est presque toujours
in fine et cette entrée en lice est une façon de marquer
que l'entretien touche à son terme. L'apport de la femme, lorsqu'il y
a un couple constitué depuis l'époque de la clandestinité,
est dans l'écrasante majorité des cas, complémentaire et
auxiliaire. La Résistance décrite en majesté avec force
détails héroïques ne ressortit pas au registre que les femmes
prisent dans leur ensemble. En un sens, les femmes portent témoignage
exactement comme elles ont résisté : du seuil de la porte.
Cette donnée explique mieux la difficulté qu'éprouve l'historien
de la clandestinité à cerner et à délimiter la part
des femmes dans le mécanisme résistant. L'intuition et l'observation
des conditions du déroulement de l'entretien lui soufflent qu'il y a
des ressources inexploitées en même temps qu'un mode de narration
et une appréhension du vécu résistant spécifiquement
féminins. Il y a sûrement en somme, spatialement et psychologiquement,
un côté des femmes comme il y a le côté de chez Guermantes
et le côté de chez Swann dans La recherche du temps perdu.
Mais sa mise en évidence est extrêmement hasardeuse tant il s'insère
dans un tissu sociologique complexe dont il est bien difficile de démêler
les fils. Il y faudrait non seulement les compétences de l'historien,
mais encore celles du sociologue, de l'ethnologue, de l'anthropologue et même
de l'analyste. Non que les hommes détiennent, ni affirment détenir
le monopole de la parole non plus que de l'activité résistantes.
Mais hommes et femmes distillent très différemment la mémoire
résistante. Reste que la pratique résistante numériquement
dominante, celle d'une désobéissance civile, a été,
pour le plus grand nombre et pendant la majeure partie de la clandestinité,
conjointement une affaire d'hommes et de femmes.
Il existe pourtant des domaines réservés aux femmes. Tel est le
cas des mouvements de protestation contre l'âpreté et la pénurie
du quotidien. Ces manifestations apparues dans les premiers mois de 1942 dans
les grandes villes de zone sud revêtent la « forme de protestations
collectives de ménagères en colère »[10].
C'est bien en qualité de ménagères, c'est-à-dire
d'épouses et de mères ayant charge d'âmes, - « tout
le poids [de la famille] porte sur elles »[11]-
que les femmes amorcent collectivement une protestation, renouant ainsi avec
une tradition illustrée par exemple lors des journées d'octobre
1789 : « la pitié, inerte, passive chez les hommes, plus
résignés aux maux d'autrui, est chez les femmes un sentiment très
actif, très violent, qui devient parfois héroïque et les
pousse impérieusement aux actes les plus hardis »[12]. La fonction de ces « émotions »,
pour emprunter à un vocabulaire qui puise loin, n'est pas mince dans
l'émergence d'une Résistance de masse. Comme le note judicieusement
H. R. Kedward, « il manquerait une dimension essentielle à
une relation des événements du premier mai et du 14 juillet 1942
qui oublierait de mentionner ce net accroissement des manifestations contre
la disette et le froid durant l'hiver 1941-1942 »[13]. Au moment de l'entrée en vigueur
de la loi sur le Service du travail obligatoire du 16 février 1943, les
femmes occupent encore de façon significative les premiers rangs des
manifestations. « On en vit certaines se coucher sur les rails pour
empêcher les trains de partir, criant ‘à bas Laval !'
et ‘Non à la déportation !' et bombarder les représentants
de Vichy de fruits et de légumes pourris »[14].
Leur fonction sociale de préservation de la cohésion du foyer
familial, reconnue et vantée par le régime de Vichy, les conduit
à rompre avec la réserve qui leur est imposée quand l'essentiel
- le quotidien ou l'éloignement forcé des jeunes -
est en cause[15]. Leur résistance
cesse alors d'être circonscrite au domaine du privé en raison même
du poids que leur confèrent leurs compétences ancestrales. C'est
en l'occurrence l'observance de la tradition qui commande aux femmes de rompre
avec leur confinement dans la sphère de la vie domestique. Leur rôle
moteur au sein du foyer explique cette fois leur intrusion dans la vie publique,
sans considération du fait qu'elles sont privées des droits civiques.
Après la résistance du seuil de la porte, c'est la résistance
du cœur du foyer, les deux aspects pouvant d'ailleurs parfaitement coexister
simultanément. Il y a bel et bien un mode de résistance spécifiquement
féminin étroitement lié aux difficultés matérielles
et aux désordres psychologiques qu'elles génèrent :
de leur « grande et humble position » au sein du foyer,
les femmes ont un « rôle de citadelle de leur famille, de refuge
inexpugnable »[16]. Lorsque l'adversité met la cohésion
et la santé des leurs en péril, les femmes montent en ligne et
aux avant-postes.
Expliquant en avril 1944 sur les antennes de la BBC que « cette guerre
est aussi l'affaire des femmes », Lucie Aubrac ne manque pas d'évoquer
les motivations proprement féminines qui ont poussé les femmes
à entrer dans la mêlée, même si elle prend soin d'en
élargir les perspectives : « Notre foyer disloqué,
nos enfants mal chaussés, mal vêtus, mal nourris ont fait de notre
vie depuis 1940 une bataille de chaque instant contre les Allemands. Bataille
pour les nôtres, certes, mais aussi bataille de solidarité pour
tous ceux qu'a durement touchés l'occupation nazie »[17]. Stabat mater dolorosa.
Cette dimension protectrice à connotation quasiment matriarcale du combat
des femmes se retrouve peut-être dans le peu d'empressement qu'elles mirent,
après la Libération, à faire valoir les droits que leur
ouvrait leur activité résistante. En sorte que la proportion des
femmes au sein des échantillons de membres des mouvements de résistance
de zone sud comme de zone nord est étonnamment faible[18] : en nombre infime à Combat[19],
moins de 10% à Franc-Tireur[20],
12,5% à Libération-Sud, environ 15% à Défense de
la France[21]. La sous-représentation
féminine est si forte qu'avec un peu moins du quart de femmes de l'effectif
total de ses membres reconnus Témoignage chrétien fait figure
de remarquable exception[22]. Paradoxalement,
les femmes ne semblent pas, si l'on se fie aux ordres de grandeur donnés
par les historiens, avoir été proportionnellement plus nombreuses
dans les mouvements que dans les réseaux, qui étaient pourtant
des organismes militaires impliquant une prise de risque maximale. Ainsi Alya
Aglan dénombre-t-elle au total près de 14% de femmes opérant
dans le réseau Jade-Fitzroy[23].
On
objectera peut-être que, s'ils minorent l'apport des femmes, les dossiers
de liquidation ne sont pas l'unique source dont disposent les historiens. Il
y a après tout aussi les sources orales : telle femme qui n'a pas
cru bon de faire une demande de carte de Combattante volontaire de la Résistance
peut fort bien témoigner après coup pour peu qu'elle soit sollicitée.
Mais c'est ici que le bât blesse puisqu'on se heurte à l'écueil
du silence fréquent et obstiné de beaucoup de femmes. Tout concourt
par conséquent à minimiser leur rôle. Certes, la Résistance
compte des femmes au nombre de ses figures de proue : de Marie-Madeleine
Fourcade à Berthie Albrecht, en passant par Lucie Aubrac, Suzanne Buisson
ou Danielle Casanova. Mais leur notoriété, qui rappelle que les
fonctions de commandement jusqu'au coeur de l'action n'ont pas toujours été
le privilège des hommes, ne saurait masquer le fait que les femmes occupèrent
rarement au total des postes de responsabilités. La sous-représentation
numérique des femmes traduit assez fidèlement au fond le rôle
singulier qu'il leur revint d'assumer. On en identifie peu aux niveaux de responsabilité
départemental, régional et national dans les différents
mouvements. Deux femmes seulement accédèrent en France à
la responsabilité de chef de réseau, une seule fut chef de maquis,
une seule encore présida un Comité départemental de Libération.
Elles sont en revanche nombreuses dans les différents mouvements et réseaux
à avoir occupé les fonctions périlleuses d'agent de liaison.
Tout se passe donc comme si la pesanteur de la sociologie du temps de paix avait
continué à prévaloir dans le monde souterrain de la Résistance.
C'est que l'engagement résistant, qui impliquait une rupture qui n'allait
pas de soi avec tout un façonnement de l'obéissance acquis au
fil des ans, ne se doublait pas ipso facto d'une capacité à
repenser les rapports sociaux - moins que tout autre sans doute ceux
qui étaient fondés sur la différence des sexes -
dans ce qu'ils avaient de plus profondément ancré dans le subconscient
de chacun. Les « cinq années de tourmente » de
l'Occupation « n'ont pas suffi à emporter [...] des valeurs
et des représentations »[24] forgées de très longue
date. La complexité d'une histoire qui se fait du seuil de la porte d'abord
et doit s'écrire ensuite, en partie au moins, de ce point de vue est
tout entière contenue dans ce balancement subtil entre un engagement
volontaire et total d'une part, et une pratique discrète d'autre part,
encore accentuée par un mode de constitution de la mémoire assez
enclin à faire la part belle aux hommes.
Il
était difficile au cœur même de la lutte clandestine de penser
l'irruption des femmes dans le domaine militaire, c'est-à-dire sur un
territoire par définition masculin. Témoin, ce courrier adressé
en septembre 1942 à ses supérieurs du BCRA par Paul Schmidt, officier
de liaison détaché auprès du mouvement de résistance
Libération-Sud. Sous une rubrique intitulée : « engagements
aux FFL », il note :
« Tenez-moi au courant de cette question qui intéresse Libération.
J'ai rencontré de nombreuses personnes qui se trouvant de par leurs
activités dans une situation extrêmement semblable à la
mienne aimeraient être inscrits aux FFC de façon à être
rattachés au moins à un organisme solide, capable de leur donner
des garanties.
Dites-moi également dans quelle mesure cette question est applicable
à des femmes ou des jeunes filles qui assument régulièrement
des rôles tenus par des hommes »[25].
« Des femmes ou des jeunes filles qui assument régulièrement
des rôles tenus par des hommes », tel est bien l'un des aspects
de la lutte des femmes pendant les années noires. Car la faillite de
beaucoup d'hommes, parmi lesquels les militaires qui avaient en principe pour
vocation de se battre, avait créé un vide dans lequel un certain
nombre de femmes s'engouffrèrent sans autre souci que de combler des
rangs passablement clairsemés. Ainsi, Marguerite Gonnet, militante de
Libération-Sud dès l'été 1941, devenue chef départemental
pour l'Isère, arrêtée le 18 avril 1942, incarcérée
à la prison Saint-Joseph à Lyon, jugée le 19 mai 1942 devant
le tribunal militaire de Lyon, répond-elle au président qui lui
demande comment une femme de 44 ans, mère de neuf enfants comme
elle, a pu prendre les armes : « Tout simplement, mon colonel,
parce que les hommes les avaient laissées tomber »[26].
Le seuil de la porte et le centre du foyer n'interdisaient pas une troisième
façon de résister : l'engagement au cœur de la mêlée.
Les institutions militaires, fussent-elles celles de la France libre, éprouvèrent
quelque difficulté à intégrer cette nouvelle donne dans
leur vision du combat. L'interrogation de Paul Schmidt - qui pensait
très probablement au moment où il la formulait à la situation
précaire de son assistante, Anne-Marie Bauer -, est hautement
révélatrice du problème inattendu que posait l'engagement
des femmes, de la difficulté à intégrer cette donnée
nouvelle en rupture avec la conception traditionnelle de la guerre.
Le même écart entre la part prise par les femmes dans le combat
clandestin et sa reconnaissance institutionnelle peut être constaté
dans l'attribution des Croix de la Libération. Sur les 1036 Croix décernées
à titre individuel, on a souvent relevé que les femmes avaient
été placées au régime de la portion congrue : six
femmes en tout et pour tout, soit un demi pour cent de l'effectif total honoré
par cette très haute distinction. La disproportion peut se concevoir
en ce qui concerne les forces purement militaires de la Résistance extérieure
qui ne comptent qu'une femme dans leurs rangs, Marie Hackin morte dans le torpillage
du « Jonathan Holt » au large du Cap Finistère
en février 1941. Elle est plus surprenante pour ce qui regarde la Résistance
intérieure puisque 5 femmes côtoient 152 hommes : Berthie
Albrecht, Laure Diebold, Marcelle Henry, Simone Michel-Lévy, émilienne
Moreau-Evrard. Du moins, ces cinq femmes-là ont-elles en commun des itinéraires
véritablement hors du commun tant l'Ordre de la Libération poussa
l'exigence d'excellence à son degré le plus élevé
dès lors qu'il s'agissait des représentantes du sexe réputé
faible. Leur moyenne d'âge relativement élevée - 38,6
ans en 1940 -, leur passé militant et engagé - émilienne
Moreau avait été faite chevalier de la Légion d'Honneur
et décorée de la Croix de Guerre à l'âge de 17 ans
pour acte de bravoure militaire -, leur mutisme absolu - Marcelle
Henry, Simone Michel-Lévy furent longuement torturées -,
leur altruisme et leur lucidité - Berthie Albrecht et Laure
Diebold renonçèrent à la quiétude d'un foyer douillet
et, arrêtées, parvinrent à égarer leurs tortionnaires -,
tout cela les désignait pour accéder à la dignité
de Compagnon et pour représenter ainsi une communauté anonyme,
silencieuse et peu soucieuse de voir ses mérites célébrés.
Comme Claude Bourdet, lui-même Compagnon de la Libération, l'a
écrit : « L'absence des femmes est [...] stupéfiante.
Dieu sait pourtant qu'il y eut, à la direction de la Résistance,
de nombreuses femmes qui jouèrent un rôle essentiel... ».
Et d'ajouter : « ...on a l'impression que, en général,
n'ayant pas de femmes dans les bureaux de Londres ou aux FFL, de Gaulle et les
hommes de ses bureaux ont purement et simplement oublié cette moitié
de l'humanité et de la Résistance »[27].
Si le décalage entre la participation effective des femmes à l'action
résistante et les titres de Résistance qui leur furent attribués
est moins flagrant pour les médaillés de la Résistance[28]
et les Combattants volontaires de la Résistance, il est tout de
même très net : sur 2 005 CVR recensés dans l'Hérault
pour faits de résistance métropolitaine, on ne dénombre
que 199 femmes[29].
Cette sous-représentation pourrait après tout passer pour normale
si l'on tenait pour établi que la Résistance, dans la phase où
ses rangs grossirent, c'est-à-dire tout bien pesé assez tard,
fut perçue comme une affaire essentiellement militaire relevant par là-même
de capacités plutôt masculines. L'argument est fort mais ne convainc
qu'à demi. Un fait souvent décrit et, depuis peu, érigé
en objet d'étude scientifique doit, en effet, être mis en parallèle
avec le modeste tribut rendu aux femmes : il s'agit de l'empressement avec
lequel les femmes suspectées d'avoir été complaisantes
ou serviles envers l'occupant furent châtiées sitôt l'ennemi
évanoui. Le contraste est tout bonnement saisissant entre la minceur
de la reconnaissance institutionnelle de l'activité résistante
des femmes et la vigueur des humiliations infligées sans délai
à celles qui étaient devenues d'une certaine façon des
indésirables. « Les femmes sont surreprésentées
dans les affaires de dénonciations »[30]
au lendemain de la Libération au moment même où une
symbolique purificatrice les prend pour cibles exclusives à travers les
phénomènes de la tonte des cheveux et de la nudité exposée.
Sobrement et parcimonieusement représentées au tableau d'honneur
de la Résistance, elles sont avec éclat clouées au pilori.
La pratique des sources orales par les historiens, le visionnage de la veillée
chez les frères Grave pour un public plus large permettent d'une certaine
façon de résoudre la question si fréquemment soulevée
de l'effacement des femmes du panorama résistant. Dans ses profondeurs
et pour le plus grand nombre, la résistance des femmes se fit de la place
qui leur était échue et sur un mode d'intervention où l'efficacité
se conjuguait avec la discrétion[31].
Ce serait commettre une lourde erreur que d'en inférer que leur participation
fut marginale ou seconde.
Ce statut était difficilement conciliable avec la description d'un organigramme,
du moins pour les mouvements de résistance. De façon significative,
et pour ne prendre volontairement que des exemples de femmes ayant de notoriété
clandestine exercé des responsabilités fortes, ni Berthie Albrecht,
alter ego - ce qui n'est pas peu dire - et inspiratrice
d'Henri Frenay, ni Lucie Aubrac, ni Annie Hervé n'eurent de fonctions
bien définies au sein de leurs organisations. En temps de paix et d'exercice
codifié de la démocratie, cet état de fait les aurait marginalisées.
Mais la clandestinité obéissait à des règles de
fonctionnement particulières. Le poids de chacun dépendait moins
de ses attributions explicites que de sa capacité à façonner
l'opinion d'autrui. « L'influence des autres pour former le jugement,
considérable dans mon cas, ne s'était pas exercée jusque-là
dans des délibérations suivies de décisions mais plutôt
par imprégnation, celle que donne le contact presque quotidien entre
personnes qui se font totalement confiance »[32] . Cette notation, d'autant plus intéressante
qu'elle émane de Philippe Viannay, c'est-à-dire d'un homme qui
fut de la poignée des créateurs et chefs de mouvement, peut être
étendue à l'ensemble de la société résistante.
Elle donne à la partition tenue par les femmes, à tous les degrés
et jusque dans les strates les plus élevées de la clandestinité,
un relief que les statistiques estompent comme mécaniquement[33].
Pour
preuve, cette anecdote rapportée par Hélène Viannay. Présentes
dès l'origine dans l'aventure qui allait donner vie au mouvement de résistance
de zone nord Défense de la France, Génia Gemähling, Jacqueline
Pardon et Hélène Viannay y ont tenu un rôle important, travaillant
avec leurs camarades de combat masculins à en définir graduellement
les orientations générales. Or, interrogées une quarantaine
d'années après la Libération par une historienne menant
enquête sur les femmes dans la Résistance, elles furent confrontées
à une question simple qui les déconcerta et leur dessilla les
yeux : « Quels articles avez-vous rédigés pour
le journal ? ». Hélène Viannay et ses deux amies
se regardèrent, réalisant soudainement qu'elles n'avaient jamais
écrit une ligne du journal ! Il est décidément des
domaines où chiffres et statistiques sont impuissants à rendre
compte de la réalité.
Quant aux représentations mentales dominantes dans la France issue des
années noires, on empruntera, pour les évoquer, à la plume
d'un romancier néophyte, frais émoulu de la Résistance,
historien de métier, Henri Michel. Dans un roman intitulé Quatre
années dures (1940-1944), qu'il avait achevé de rédiger
en septembre 1944 et qui fut publié chez Grasset en 1945, le romancier
titrait le chapitre relatant la visite à Toulon de Pétain en novembre
1940 : « L'opinion femelle et servile ». Décrivant
un personnage féminin ânonnant la Marseillaise, le narrateur
observait placidement : « ... elle y met tout son coeur de femelle
consentante »[34]. Évidemment,
le propos relevait et relève de la licence du romancier, qui se trouvait
être par ailleurs un « acteur éminent de la Résistance
varoise »[35]. Le stigmatiser n'aurait aucun sens.
Il est plus intéressant de prendre acte du fait que le langage romanesque,
celui qui laisse le plus de liberté et exprime avec le moins de retenue
l'état d'esprit en vigueur à un moment donné, portait à
tout le moins témoignage que la différence des sexes n'était
pas un vain mot. Rendant compte du voyage de Pétain, le Petit Journal
titrait d'ailleurs quatre ans plus tôt sur huit colonnes : « Avec
tout l'élan de son âme généreuse, marseille s'est
donnée au maréchal pétain, Vivant symbole de la France
rénovée ».
Vocabulaire et métaphores, empruntés au registre de la sexualité,
suggèrent que l'abandon des femmes en forme de renoncement à leur
libre arbitre n'était probablement jamais très éloigné
alors des esprits masculins. La défaite elle-même, celle d'une
France qui « se couche » face à l'envahisseur quand
l'honneur commanderait de « se dresser « devant lui,
est fréquemment décrite en faisant référence à
des attitudes supposées plus féminines que masculines[36].
Le fantasme balaie ici la réalité comme fétu de paille.
Donne-t-il, même de loin, la mesure de l'engagement d'une Marguerite Gonnet,
d'une Berthie Albrecht ou d'une Suzanne Buisson ? Il est permis d'en douter.
Contrairement à des clichés tenaces, le don de soi des femmes
résistantes était un acte volontaire et réfléchi,
qui n'allait pas sans une conscience aiguë des dangers multiples afférents
à ce franchissement du Rubicon qu'était l'entrée en clandestinité.
Compte tenu des pesanteurs sociologiques et des contraintes domestiques qui
les entravaient, leur entrée en Résistance découla d'une
volonté bien arrêtée de faire quelque chose.
La
difficulté à penser réellement la place des femmes dans
la Résistance cinquante ans plus tard démontre que nous n'avons
pas fini d'épuiser une histoire qui se présente volontiers en
trompe-l'œil et qui exige pour cette raison même une approche diversifiée,
croisée, qui n'hésite pas de surcroît à se faire
intimiste et intuitive. C'est une démarche qui n'est pas familière
aux historiens sans doute mais c'est à ce prix qu'on pourrait peut-être
rompre avec un type de questionnement positiviste, au sens commun et étroit
du terme, qui condamne à tourner en rond. à l'antienne :
« les femmes ont-elles résisté autant que les hommes ? »,
à la ritournelle pétrie de bons sentiments : « comment
se peut-il que leur action ait été à ce point minorée ? »,
il faudrait peut-être substituer une autre interrogation : « comment
ont-elles résisté? ». Du seuil de la porte vis-à-vis
des éléments étrangers au foyer - en temps de
guerre, puis la paix rétablie -, du cœur du foyer familial
pour le cercle des intimes, en se jetant à corps perdu dans une lutte
à la vie à la mort pour certaines d'entre elles. Telles sont les
trois pistes qu'il pourrait être fécond d'explorer, sans esprit
de système et tous sens en éveil[37].
Notes
:
- [1]
Stanley Hoffmann, « Chagrin et pitié ? », dans Essais
sur la France. Déclin ou renouveau ?, Paris, Seuil, 1974, p. 77.
- [2]
Sur ce film qui défraya la chronique, se reporter à l'analyse
d'Henry Rousso, Le syndrome de Vichy de1944 à nos jours, Paris,
Seuil, 1990, (coll. « Points Histoire »), pp. 121-136.
- [3]
Stanley Hoffmann, art. cit. supra, p. 82.
- [4]
Marcel Ophuls, Le chagrin et la pitié, Paris, Alain Moreau,
1980, p. 139.
- [5]
Ibid., p. 140.
- [6]
Je reprends ici une expression et un concept dont la paternité revient
à Harry R. Kedward dans une intervention orale faite au colloque de
Toulouse, publié sous la direction de Jean-Marie Guillon et Pierre
Laborie, Mémoire et histoire : la Résistance, Toulouse,
Privat, 1995.
- [7]
Jean Cassou, La mémoire courte, Paris, Minuit, 1953, p. 29.
- [8]
Sur cette nécessaire définition de la Résistance entendue
en son sens large afin de mieux y cerner la part des femmes, consulter Paula
Schwartz, « Redefining Resistance : Women's Activism in Wartime France »,
dans Margaret Randolph-Higonnet (dir.), Behind the Lines : Gender and the
two World Wars, New Haven/ Londres, Yale University Press, 1987, pp. 141-153.
- [9]
Comme l'écrit Hélène Eck : « La Résistance
souvent naît et vit au foyer », Histoire des femmes, tome
5 : Françoise Thébaud (dir.), Le XXe siècle, Paris,
Seuil, 1992, p. 206.
- [10]
Harry Roderick Kedward, Naissance de la Résistance dans la France
de Vichy. Idées et motivations, 1940-1942, Paris, Champ Vallon,
1989, p. 226.
- [11]
Jules Michelet, Histoire de France, tome 13, 1847, rééd.
Ed. Rencontre, 1967, p. 316.
- [12]
Ibid., p. 317.
- [13]
Harry Roderick Kedward, Naissance..., op. cit., p. 227.
- [14]
Harry Roderick Kedward, « STO et maquis », dans La France
des années noires, tome 2, Paris, Seuil, 1993, p. 280.
- [15]
Se reporter à Dominique Veillon, « La vie quotidienne des femmes »,
dans Jean-Pierre Azéma, François Bédarida (dir.), Vichy
et les Français, Paris, Fayard, 1992, pp. 629-639.
- [16]
Ces expressions sont de John Steinbeck lorsqu'il décrit, dans Les
raisins de la colère, Ma Joad : « She seemed to know,
to accept, to welcome her position, the citadel of the family, the strong
place that could not be taken ».
- [17]
Jean-Louis Crémieux-Brilhac (dir.), Les voix de la Liberté.
Ici Londres, 1940-1944, tome 4, Paris, La Documentation française,
1975, pp. 238-239.
- [18]
Pour réfléchir aux enseignements de la forte disproportion entre
les représentativités masculine et féminine, consulter
Jacqueline Sainclivier, « Sociologie de la résistance : quelques
aspects méthodologiques et leur application en Ille-et-Vilaine »,
Revue d'histoire de la Deuxième Guerre mondiale, n° 117,
janvier 1980, pp. 42-43.
- [19]
Cf. Marie Granet, Henri Michel, Combat, histoire d'un mouvement de résistance
de juillet 1940 à juillet 1943, Paris, PUF, 1957.
- [20]
Dominique Veillon, Le Franc-Tireur. Un journal clandestin, un mouvement
de résistance, 1940-1944, Paris, Flammarion, 1977.
- [21]
Olivier Wieviorka, Destins d'un Mouvement de Résistance : Défense
de la France, thèse de doctorat, Université de Paris I,
mai 1992, 2 tomes.
- [22]
Renée Bédarida, Les Armes de l'Esprit, Témoignage
chrétien, 1941-1944, Paris, Les Éditions ouvrières,
1977.
- [23]
Alya Aglan, Mémoires résistantes. Histoire du Réseau
Jade-Fitzroy, 1940-1944, Paris, Cerf, 1994, p. 47.
- [24]
Hélène Eck, op. cit., pp. 209-210.
- [25]
AN, papiers du BCRA, courrier n° 4 de MX.22 du 22 septembre 1942 arrivé
le 18 novembre 1942, p. 5.
- [26]
Témoignages de Raymond Aubrac et de Marguerite Gonnet recueillis par
mes soins. La fermeté d'âme de Madame Gonnet est attestée
par sa déclaration devant le commissaire de police de la sûreté
de Grenoble qui l'interroge, le 18 avril 1942, jour de son arrestation. Se
déclarant « fervente et imprudente gaulliste », elle
affirme : « Je ne veux vous donner aucune réponse relative à
l'affaire qui vous occupe actuellement. Tout ce que j'ai pu faire, je l'ai
fait par amour pour mon pays et avec l'entière approbation de ma conscience
». Acte d'accusation du 13 mai 1942, Archives de la justice militaire,
Le Blanc (Indre).
- [27]
Claude Bourdet, L'aventure incertaine. De la Résistance à
la Restauration, Paris, Stock, 1975, p. 399.
- [28]
Instituée par un décret du 9 février 1943, destinée
à reconnaître les actes remarquables de foi et de courage qui,
en France, dans l'Empire et à l'étranger, auront contribué
à la Résistance du peuple français contre l'ennemi et
contre ses complices depuis le 18 juin 1940, la Médaille de la Résistance
fut attribuée à 48 000 personnes environ. Les femmes représentent
10% de cet effectif.
- [29]
Hélène Chaubin, « Femmes résistantes en Languedoc
méditerranéen », dans La Résistance et
les Français, Université de Toulouse-Le Mirail, 1993, pp.
383-393. (Préactes du colloque international tenu à l'Université
de Toulouse-Le-Mirail, 16-18 décembre 1993).
- [30]
Philippe Burrin, La France à l'heure allemande, 1940-1944, Paris,
Seuil, 1995, p. 215.
- [31]
Se reporter par exemple à la livraison des Cahiers de l'IHTP,
n° 25 d'octobre 1993 relative aux notes de prison de Bertrande d'Astier
de la Vigerie (15 mars-4 avril 1941).
- [32]
Philippe Viannay, Du bon usage de la France. Résistance. Journalisme.
Glénans, Paris, Ramsay, 1988, p. 93.
- [33]
L'approche sérielle appliquée aux femmes a fait un temps figure
de solution pour résoudre les problèmes spécifiques que
pose leur histoire. Elle venait après les approches juridique, biographique
et celle qui privilégiait le quotidien, le domestique et le privé,
bref les « moeurs ». Lire l'analyse de Christiane Klapish-Zuber,
« Le médiéviste, la femme et le sériel »,
dans Michelle Perrot (dir.), Une histoire des femmes est-elle possible
?, Marseille, Ed. Rivages, 1984, pp. 38-47.
- [34]
Henri Michel, Quatre années dures (1940-1944), Paris, Grasset,
1945, p. 77.
- [35]
Jean-Marie Guillon, « La Résistance provençale : un processus
méridional ? », dans Annales du Midi, n° 199-200,
juillet-décembre 1992, p. 388.
- [36]
Dans l'hommage qu'il prononça le 16 juin 1969 lors des obsèques
d'Emmanuel d'Astier, Pascal Copeau eut recours à une image de ce type
: « Emmanuel d'Astier disparaît dans la fleur de l'âge :
il était né véritablement en 1940. Non pas que des quarante
premières années de sa vie fussent absents cette intelligence,
cette élégance, ce talent. Cependant, sans le savoir, il attendait
le foudroiement de la transfiguration. Voici la débâcle, la démission
générale : chacun estime qu'il est urgent de se coucher. Alors
d'Astier déploie son grand corps, il choisit de se lever ».
- [37]
Pour une synthèse relative aux apports de l'introduction de la distinction
sociale des sexes dans le champ historique, lire Olwen Hufton, « Femmes/Hommes
: une question subversive », dans Jean Boutier et Dominique Julia (dir.),
Passés recomposés. Champs et chantiers de l'histoire,
Paris, Autrement, 1995, pp. 235-242.
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